Le 20 juin dernier, le projet de loi C-131 a reçu la sanction royale. Ce projet de loi est divisé en trois parties : la partie 1 modifie la Loi sur les langues officielles (LLO), la partie 2 édicte la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale (Loi) et la partie 3 énonce les dispositions d’entrée en vigueur. La présente actualité juridique offre un bref survol de la deuxième partie, qui vise à promouvoir et à protéger l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale (ci-après « entreprises privées fédérales »).

À son entrée en vigueur à la date que doit fixer par décret le gouverneur en conseil2, la Loi s’appliquera seulement aux entreprises privées fédérales ayant des lieux de travail situés au Québec. Deux ans plus tard, la portée de la plupart des obligations énoncées sera étendue aux entreprises privées fédérales ayant des lieux de travail situés dans des régions à forte présence francophone3. Toutefois, la Loi prévoit trois exclusions notables : 1) les entités déjà assujetties à la LLO, 2) les entreprises qui emploient un nombre d’employés inférieur au seuil devant être précisé par règlement et 3) les entreprises du secteur de la radiodiffusion4. Il est important de souligner que les entreprises peuvent choisir d’être assujetties à la Charte de la langue française du Québec (ci-après « CLF ») plutôt qu’à la Loi5.


Obligations relatives aux consommateurs

La Loi établit un droit pour les consommateurs de communiquer en français avec une entreprise privée fédérale qui exerce ses activités au Québec et de recevoir de celle-ci des services dans cette langue6. Cette disposition s’applique aux communications tant verbales qu’écrites ainsi qu’à tout document ou à toute activité qui se rapporte à ces communications ou services7.

Obligations relatives aux employés

Pour les entreprises privées fédérales, les obligations qu’instaure la Loi sont analogues à celles imposées par la CLF. Plus particulièrement, les employés qui travaillent au Québec ont le droit d’effectuer leur travail et d’être supervisés en français, ainsi que d’utiliser la plupart des instruments de travail et des systèmes informatiques en français8. La Loi énonce également le droit des employés, ainsi que des syndicats qui les représentent, de recevoir toutes les communications et tous les documents de l’entreprise privée fédérale en français, notamment les formulaires de demande d’emploi, les offres d’emploi, les contrats individuels de travail, les documents ayant trait aux conditions de travail et les conventions collectives9. Ce droit est maintenu lorsque l’employé cesse d’être à l’emploi de l’entreprise.

Toutefois, si l’employeur et l’employé en conviennent, les communications et les documents, y compris les contrats de travail, peuvent être fournis exclusivement dans une autre langue que le français. Si le contrat d’emploi est un contrat d’adhésion, sa version française doit aussi être fournie à l’employé avant de conclure le contrat dans une autre langue10. Les communications « à large diffusion » peuvent également être bilingues, pourvu que l’usage du français soit au moins équivalent à celui de toute autre langue.

Dans les milieux syndiqués, les entreprises privées fédérales doivent veiller à ce que les sentences arbitrales à l’égard des griefs ou des différends relatifs aux employés de l’entreprise qui occupent des postes ou sont affectés à des postes dans un lieu de travail au Québec soient rendues en français ou traduites en français sans délai aux frais de l’entreprise et remises aux parties à l’arbitrage dans les deux versions linguistiques en même temps. Si la sentence a été rendue exclusivement en français et qu’une partie à l’arbitrage demande une traduction dans une autre langue que le français, ceci doit également être fait dès que possible aux frais de l’employeur11. Ces obligations peuvent par conséquent donner lieu à des coûts considérables pour les employeurs dans l’avenir.

Mesures pour promouvoir le français en milieu de travail

Parmi les mesures adoptées pour promouvoir l’usage du français en milieu de travail, les entreprises privées fédérales doivent établir un comité pour élaborer des programmes ayant pour but la généralisation de l’usage du français à tous les niveaux de l’entreprise. La Loi offre également une protection contre le traitement défavorable des employés qui ne parlent que le français, qui n’ont pas une connaissance suffisante d’une autre langue que le français ou qui exercent leurs droits en vertu de la Loi. Ceci étant dit, il n’est pas interdit aux entreprises privées fédérales d’exiger d’un employé la connaissance d’une langue autre que le français si cette connaissance s’impose objectivement en raison de la nature du travail12.

Les employés déjà en poste dans un lieu de travail au Québec à la date d’entrée en vigueur de la Loi ou avant celle-ci seront toutefois protégés contre tout traitement défavorable résultant de leur connaissance insuffisante du français13.

À retenir

Les entreprises privées fédérales devraient se préparer pour l’entrée en vigueur de la Loi, puisque les entreprises qui ne s’y conformeraient pas pourraient faire l’objet d’une plainte auprès du commissaire aux langues officielles. Ceci étant dit, des lignes directrices additionnelles sont nécessaires, particulièrement en ce qui a trait au nombre de personnes que doit employer une entreprise pour être assujettie à la Loi. Dans l’intervalle, certaines entreprises exerçant des activités au Québec ne peuvent savoir si elles seront assujetties ou non à la Loi. 

Malgré qu’à ce stade-ci, nous constations qu’une différence clé entre la Loi et la CLF consiste en ce que la CLF impose des obligations de francisation plus rigoureuses en fonction du nombre d’employés d’une entreprise, les entreprises privées fédérales devraient évaluer avec soin leur propre situation afin de décider de s’assujettir à la Loi ou à la CLF. Dans tous les cas, il est prévu que la Loi aura d’importantes répercussions sur un certain nombre d’entreprises privées fédérales, particulièrement lorsque sa portée sera étendue aux régions à forte présence francophone dans les années suivant son entrée en vigueur.

Il est également important de souligner que le gouvernement publiera plusieurs règlements en application de la Loi. Nous continuerons à surveiller ce dossier de près.

Les autrices souhaitent remercier Cécilia Barrette-Leduc, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.


Notes

1   Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois, L.C. 2023, ch. 15, s. 4 (ci-après « projet de loi C‑13 »).

2  

Projet de loi C-13, paragraphe 71(4).

3   L’expression « région à forte présence francophone » n’a pas encore été définie par règlement.

4  

En ce qui a trait à leurs activités et à leurs lieux de travail : voir la Loi, articles 2 et 5.

5  

Loi, article 6.

6  

Ibid., article 7.

7  

Ibid., article 8.

8  

Ibid., alinéas 9(1)a) et c).

9  

Ibid., alinéa 9(1)b).

10  

Ibid., paragraphes 9(4) et (5).

11  

Ibid., article 9.1.

12   Sous réserve des conditions énoncées aux paragraphes 11(3) et (4). 

13  

Ibid., article 11.



Personnes-ressources

Associé principal, chef canadien, Gouvernance
Associé
Avocate-conseil
Associé principal
Avocat senior

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